Assassinat d’un enseignant au lycée de Nkolbisson : les pouvoirs publics en partie responsable

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Njomi Tchakounte Boris Kevin, professeur de mathématiques, en cours d’intégration (ECI) en service au lycée de Panke Oji Noum à l’ouest Cameroun, vacataire permanent au lycée classique de Nkolbisson à Yaoundé (région du centre), depuis le mois de novembre 2019, a été odieusement et mortellement poignardé par un adolescent de la classe de 4e espagnol, le 14 janvier 2020. Pour des observateurs avertis, le gouvernement à travers son laxisme et sa surdité face aux problèmes soulevés par les enseignants, assume une part de responsabilité.

Dans un communiqué de presse rendu public, la ministre des Enseignements secondaires, Nalova Lyonga Pauline Egbe, « porte à la connaissance du public que le mardi 14 janvier 2020, monsieur Njomi Tchakounte Boris Kevin, professeur de mathématiques en service au lycée de Panke Oji Noum dans la région de l’ouest, a été mortellement poignardé par un élève de 4e espagnol du lycée classique de Nkolbisson en plein cours »

En attendant les résultats des enquêtes qui sont en cours « pour déterminer les mobiles de cet acte odieux », comme on peut lire dans ce communiqué, « la ministre, au nom du gouvernement et de la communauté éducative toute entière adresse ses sincères condoléances et exprime sa sympathie à la famille si durement éprouvée ainsi qu’aux enseignants. Elle invite ces derniers au calme et les rassure que toutes les mesures sont prises pour que force reste à la loi. ».

Selon nos sources, Njomi Tchakounte Boris Kevin, a été recruté au lycée de Nkolbisson comme vacataire, en remplacement de son camarade de classe affecté dans le sud et qui l’a présenté aux responsables de ce lycée. Selon un responsable de cet établissement scolaire joint au téléphone, c’est dans l’intention de palier le déficit en enseignant de mathématiques, tout en offrant, «par humanisme » une maigre pitance pour la survie du jeune enseignant sans moyens, qu’ils l’ont recruté. « Nous étions conscients que le défunt était en cours d’intégration et affecté dans un autre établissement», précise-t-il

Madame la ministre Nalova Lyonga: à qui la faute?

Des sources bien informées, l’acte de cet adolescent, le nommé Bisse Ngosso, pour ne pas le nommer, né en 2003, semble avoir été prémédité. Certaines sources soutiennent que le problème a commencé le lundi 13 janvier 2020. Après la remise des notes par l’enseignant, le meurtrier en question se serait plaint de sa note. Et selon, ses camarades de classe, il aurait promis la mort à l’enseignant en déclarant « qu’il y aura retour ».

Arrivé au lycée classique de Nkolbisson muni d’un couteau dissimulé dans son sac, ce 14 janvier 2020, le meurtrier, qui avait failli être exclu du lycée au terme du premier trimestre, ne s’est présenté que pour le cours de mathématiques qui devait avoir lieu après la pause de 10h. Selon ses camarades de classe il est arrivé après l’enseignant. Ce dernier lui a demandé «soit de se coucher à plat ventre soit de rester à l’extérieur de la classe. Le meurtrier a refusé de se coucher arguant qu’il ne peut s’humilier devant ses petits frères. L’enseignant avec un compas en main a insisté pour qu’il sorte de la salle de classe. Bisse Ngosso a arraché ce compas des mains de l’enseignant qu’il a jeté au sol avant de sortir un couteau de son sac pour poignarder le professeur avant de prendre la poudre d’escampette. Blessé, l’enseignant a s’est dirigé précipitamment vers l’infirmerie.» Devant l’entrée de la salle de classe, un coup de poignard a donc suffi pour ôter la vie à Njomi Tchakounte Boris Kevin, jeune enseignant, né le 21 06 1994 à Ndougué, qui a succombé de ses blessures à l’entrée du Centre hospitalier universitaire (CHU) où il avait été transporté en urgence.

L’assassinat odieux de cet enseignant a mis en émoi les enseignants, élèves, populations et toute la communauté éducative. « C’est dommage qu’on arrive-là et que cette scène macabre survienne dans un établissement scolaire où on dispense des cours de l’Education à la citoyenneté et à la morale. Tout le monde est traumatisé. Les élèves sont tous en pleurs. Les gens et les élèves hésitent ou ont peur de passer devant cette salle de classe. Une prise en charge psychologique est vraiment nécessaire et urgente pour que nous retrouvions la sérénité. Mais, ce sera très difficile », affirme un responsable du lycée de Nkolbisson.

Lycée de Nkolbisson

Après avoir pris connaissance du communiqué de presse signé de Nalova Lyonga, des observateurs avertis, notamment les syndicalistes n’hésitent pas à pointer du doigt la responsabilité des pouvoirs publics dans ce drame. Selon Louis Tobie Mbassi, syndicaliste, président de la Fédération camerounaise des syndicats de l’éducation (FECASE), « Les condoléances adressées par la ministre des Enseignements secondaires visent à masquer la responsabilité du gouvernement dans ce drame. Cet assassinat pose le sempiternel problème de la prise en charge des enseignants après leur sortie des Écoles normales supérieures (ENS). Voilà un jeune enseignant en cours d’intégration (ECI) affecté dans un lycée à l’ouest qui, incapable de rejoindre son poste d’affection faute de moyens, se retrouve dans un lycée de Yaoundé pour des vacations qui lui permettent de survivre. Si le gouvernement avait pris des mesures idoines pour qu’il rejoigne son poste d’affection en lui payant ses frais de déplacement, peut-être qu’il ne serait pas resté à Yaoundé pour se débrouiller avec les vacations. Ce problème aurait pu être résolu si les élèves des ENS percevaient une bourse indiciaire et étaient d’office intégrés après leur formation comme à l’Enam. Bien plus, le relâchement de la discipline dans nos lycées et collèges le plus souvent dû au laxisme des responsables des établissements scolaires constitue une circonstance aggravante et est de nature à favoriser la survenance des situations comme celle qui suscite notre indignation ».

Christophe Onana, enseignant, enfonce le clou et accuse lui aussi les pouvoirs publics. Selon lui, « après la mort de Blairiot Tsanou au lycée bilingue de Deido on avait tout dit et tout proposé pour la sécurité dans les établissements scolaires publics. Les questions des infirmeries et de la prise en charge d’urgence dans les établissements scolaires, celles de la sécurité dans et autour des établissements scolaires avaient été publiquement débattues. Des propositions avaient été faites. Voici qu’aujourd’hui un enseignant meurt parce que dans son établissement, il a été poignardé par son élève et il n’a pu bénéficier d’une prise en charge d’urgence permettant de stopper l’hémorragie avant son évacuation vers un centre hospitalier pour une prise en charge adéquate. Qui est responsable ? Ce sont les pouvoirs publics qui attendent que les enseignants meurent pour verser les larmes de crocodile à travers les messages de condoléances.»

Les enseignants, et dans une certaine mesure toute la communauté éducative, renvoient ainsi la balle dans le camp des pouvoirs publics qui devraient prêter une oreille attentive aux problèmes et préoccupations des enseignants afin de les placer dans des conditions psychologiques et de travail adéquates pour un meilleur encadrement de la jeunesse camerounaise. Ne dit-on pas que les enseignants sont le levain de la patte sociale !

Valérie Sidonie Maïga

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