CHU de Yaoundé : le supplice des malades se poursuit

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Le Centre hospitalier universitaire de Yaoundé (Chuy), l’un des principaux centres de d’hémodialyse au Cameroun, est en manque de kits. Une situation récurrente qui, parfois, coûte la vie aux patients.

Scène triste ce vendredi 21 août 2020 au quartier Melen à Yaoundé. Pendant plusieurs heures, la circulation est perturbée de ce côté de la ville capitale politique du Cameroun. C’est que, les patients souffrants d’insuffisance rénale manifestent devant le centre hospitalier universitaire logé dans ce quartier. Ils expriment leur ras-le-bol suite au manque de matériel permettant la dialyse. Ces malades, pour la plupart des personnes âgées, accusent le ministre de la Santé publique Manaouda Malachie de n’avoir pas tenu sa promesse faite, 6 mois auparavant, de résorber le problème de dialyse dans les hôpitaux publics. Ils dénomrent déjà plusieurs décès parmi eux, à cause de cette pénurie. « Pour ne pas mourir dans l’indifférence totale, nous avons choisi de bloquer la route de Melen ce matin », affirme papa Melingui, la soixantaine entamée, que nous avons  rencontré surplace. Il est plus qu’urgent que ces patients soient pris en charge au risque de faire face à une hécatombe. En effet, « l’unité d’hémodialyse du Chuy compte neuf appareils fonctionnels pour plus de 200 malades. Trois sont dans la petite salle et six dans la grande », déclare Milène F., garde-malade. Un nombre qui reste très insuffisant pour les patients qu’accueille cet hôpital. Lesquels nécessitent chacun deux à trois séances de dialyse de quatre heures chacune, par semaine. Le chef de cette unité n’a pas voulu s’exprimer sans l’accord de sa hiérarchie, sur cette situation alarmante qui dure depuis plusieurs mois déjà Elle amène les patients à se déplacer momentanément pour se faire prendre en charge dans d’autres villes. Ce qui n’est pas à l’avantage des malades. « Par moment, on arrive ici (Chuy) et il n’y a aucun kit prêt à accueillir mon père. Son insuffisance rénale a atteint un stade chronique. Nous sommes donc obligés d’aller par exemple à Ebolowa pour le traitement », déplore une source anonyme. Les familles de ces patients devront donc en plus des 5000 Fcfa des soins, débourser d’énormes sommes d’argent pour leurs transports et séjour dans d’autres villes.

Les patients protestataires réclament la mise à disposition de kits d’hémodialyse, à savoir des kits qui permettent d’épurer le sang notamment en cas d’insuffisance rénale. Certains parmi les manifestants ont empêché les voitures de circuler. Ils disent n’avoir pas reçu de soins depuis une semaine.  « Nous avons droit à deux séances au lieu des trois prévus chaque semaine. Nous nous retrouvons avec seulement deux séances hebdomadaires de dialyse. C’est déjà un problème… Même ces deux dialyses on n’arrive pas à les faire », regrette un malade. Difficile pour le moment de calmer leur colère. Ce n’est d’ailleurs pas pour la première fois que ces patients manifestent au Cameroun.

Une situation qui perdure  

Malgré les discours officiels, les personnes soumises à l’hémodialyse vivent, depuis une dizaine d’années, un véritable calvaire. Leur prise en charge reste onéreuse, malgré la subvention des soins par le gouvernement. En plus, même ceux qui, dans certaines localités, disposent des moyens pour leur traitement n’en ont toujours pas accès. Pas toujours évident de trouver une structure hospitalière adéquate dans leur ville de résidence. Le pays ne compte que huit centres d’hémodialyse, avec trois à Yaoundé (Hôpital général ; Centre hospitalier universitaire et Garnison militaire). Cinq régions attendent toujours de jouir de ce privilège. Dans ces villes privilégiées, il faut gérer les interruptions, souvent intempestives, d’eau et d’énergie électrique, sans oublier les pannes des machines déjà en nombre très insuffisant. Conséquence, des trois séances de dialyse que leur impose la thérapie, les insuffisants rénaux ne peuvent se contenter que de deux dans le meilleur des cas, sinon d’une ou de pas du tout. La mort est donc à leur chevet au quotidien.

L’actuelle pénurie des kits de dialyse au Cameroun ne date pas d’aujourd’hui. En 2018, la rupture de stock des kits d’hémodialyse avait obligé les patients, qui avaient droit à deux ou trois séances de dialyse chaque semaine, à se contenter d’une seule séance. À l’époque, les autorités expliquaient la pénurie des kits par l’arrivée tardive du cargo qui les transportait. Un an plus tôt, en 2017, les habitués de l’hôpital général de Yaoundé avaient même dû attendre deux semaines avant que l’ex-ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, annonce la disponibilité des kits dans les centres d’hémodialyse du pays. Mais de nos jours, plusieurs Camerounais continuent de mourir d’insuffisance rénale, faute de soins et de kits. Le mois dernier, l’actuel ministre de la Santé publique annonçait l’acquisition de 40.000 kits d’hémodialyse chez le fabricant allemand Fresenius Medical Care. Un stock qui devait normalement améliorer la prise en charge des patients. Les malades attendent. Mais la mort n’attend pas. Elle rôde autour d’eux, nuits et jours.

Elvis Serge Nsaa

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