Hommage : Ni John Fru Ndi, cet homme ordinaire, nous rappelle que l’héroïsme n’est pas la singularité des personnages de fiction

0
741
Ni John Fru Ndi et Akere Tabeng Muna. Photomontage

De temps à autre, un homme ordinaire émerge de la mer de l’existence banale et entreprend un voyage extraordinaire. Il n’est pas forcément doté de superpouvoirs ou d’un attirail qui le distinguerait ou le mettrait à l’écart. Ses prouesses émergent lentement à mesure que ses actions commencent à parler plus fort que les mots de ceux qui sont décrits comme extraordinaires. Cet homme, aux origines modestes et à l’esprit indomptable, a défié les normes et tracé la voie du changement et de l’inspiration. Cet homme était Ni John Fru Ndi: Un homme ordinaire qui a accompli des choses extraordinaires.

Dans un pays où la médiocrité règne souvent en maître et où le système du parti unique est devenu sacré, Ni John Fru Ndi a osé rêver plus grand, penser plus audacieux et agir avec une détermination inébranlable. Il a vu le potentiel là où beaucoup ont décidé de faire profil bas et de ne contempler que leurs limites. La loi sur la formation d’un parti politique avait été promulguée dans les termes les plus ambigus. En fait, la loi de 1967 sur les associations avait été adoptée sous la pression de la législature du Cameroun occidental. Lorsque le projet de fusion des partis politiques a commencé à se cristalliser, les anglophones qui avaient maîtrisé le fonctionnement de la politique multipartite et qui, à l’époque du Southern Cameroon, avaient assisté à un changement de régime par le biais d’élections pacifiques, craignaient que l’État à parti unique ne ferme la porte à la liberté de former des partis politiques. Les architectes du projet de parti unique ont répondu par la négative et ont produit la garantie qui est devenue la loi de 1967 sur les associations. Cette loi contenait une ruse. La formation d’un parti politique était autorisée. Toutefois, les détails de sa création devaient être déterminés par un décret d’habilitation. Ce décret n’a jamais été pris. C’est ce revers que Ni John Fru Ndi a transformé en tremplin en 1990. C’est là que réside sa grandeur. Sa poursuite inlassable de certains idéaux qui transforment l’ordinaire en extraordinaire.

Ainsi, grâce à ce dévouement inébranlable, il a défié les normes politiques de l’époque et révolutionné la façon dont nous percevons le succès. Il a refusé de se conformer aux stéréotypes ou de se contenter du statu quo. Au contraire, il a choisi de susciter l’innovation, la créativité et la compassion qui résonnent encore aujourd’hui.

À l’époque, beaucoup se sont moqués de son audace à vouloir réaliser l’impossible, mais il ne s’est pas laissé décourager. Il était fermement convaincu que s’il était persévérant, l’effet d’entraînement de ses actions allait créer des vagues de changement positif au Cameroun. Et c’est ce qui s’est passé. Son enthousiasme contagieux a contaminé ceux qui l’entouraient, les incitant à sortir de leur zone de confort et à embrasser le potentiel du Cameroun et des Camerounais. Son score aux élections présidentielles de 1992 a été phénoménal parce qu’il a clairement suggéré que le clivage anglophone- francophone était en train d’être lentement surmonté. Un Camerounais unilingue anglophone pouvait en effet devenir président d’un Cameroun très majoritairement francophone. Peut-être que les racines de la débâcle à laquelle notre nation est confrontée aujourd’hui sont à chercher dans notre incapacité à saisir ce moment de l’histoire.

Le message de la vie de Ni John Fru Ndi ne peut être plus pertinent à ce moment de l’histoire de notre nation. Nous voici à nouveau au carrefour de cette histoire, sans lui physiquement. La leçon de sa vie est là pour que nous nous en imprégnions tous. L’avenir de notre pays ne sera pas fait de grands gestes ou de ressources illimitées ; il sera fait du courage de sortir de nos zones de confort et de faire la différence.

Célébrons donc Ni John Fru Ndi, un homme ordinaire qui nous rappelle que l’héroïsme n’est pas réservé aux personnages de fiction ou à ceux qui se proclament extraordinaires. Il nous a montré que chaque personne a la capacité de laisser une trace indélébile dans le monde. Il est parti, mais il nous laisse le défi de libérer notre propre potentiel extraordinaire et de devenir les héros de nos propres histoires. Oui, celle d’hommes ordinaires accomplissant des choses extraordinaires. Va doucement, et repose en paix Ni John.

Akere Tabeng Muna

20 juillet 2023.