Logements sociaux : Le rêve tunisien de Ketcha Courtès

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Le ministre camerounais de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu) Célestine Ketcha Courtès a reçu à Yaoundé, du 08 au 10 septembre 2019, dans le cadre d’une visite de travail et d’amitié, son homologue tunisien Noureddine Selmi, ministre de l’Équipement de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire et sa suite.

Sur invitation du ministre camerounais de l’habitat et du Développement Urbain, Noureddine Selmi, accompagné d’une forte délégation, ont séjourné pendant 72h en terre camerounaise pour tabler sur la question des logements sociaux, dans l’optique de baliser les contours d’un partenariat entre les institutions œuvrant dans le domaine de la promotion immobilière et du développement urbain.

Cette visite de travail se situe dans le prolongement des discussions engagées, en marge de la 9e grande Commission mixte Cameroun Tunisie tenue en 2012 à Yaoundé, entre les deux pays, sur les possibilités de coopération. Pendant ces pourparlers, il avait été convenu qu’une visite devrait avoir lieu entre les deux pays pour échanger sur les axes de partenariat, particulièrement en matière de logements dans laquelle la Tunisie est en surproduction. C’est dans ce cadre que Célestine Ketcha Courtès a reçu son homologue Noureddine Selmi.

Les objectifs de cette rencontre étaient bien définis. à savoir : le partage d’expériences en vue d’un partenariat apte à accompagner le Cameroun dans l’adressage de l’important déficit en logements sociaux qui se pose avec acuité ; la mise en place d’une centrale d’achat, ainsi que la création d’une unité industrielle de fabrication de matériaux de construction.

Cité Olembé

Madame Courtès voudrait ainsi s’inspirer du modèle tunisien car, avec une population d’environ 12 millions d’habitants visant sur un territoire dont la superficie est presque trois fois moins que celle du Cameroun, le problème de logement en Tunisie est devenu un lointain cauchemar pour les populations qui sont désormais confortablement logées.

Dans ce pays magrébin, près de 2 700 000 familles ont été recensées, pour intégrer plus de 3 500 000 logements mis à leur disposition par l’État. 800 000 logements restent encore disponibles pour des occupants potentiels.

Une véritable source d’inspiration et un rêve pour le Cameroun qui peine encore à asseoir une bonne politique d’habitat social, avec un déficit de plus de 1,5 million de logements enregistrés comme le reconnait Madame Célestine Ketcha Courtès. « Le Cameroun veut s’inspirer du modèle tunisien et implémenter leur politique d’habitat social pour combler ce manque », a indiqué la Minhdu.

Séance de travail entre Ketcha Courtès et Noureddine Selmi

Travail intense

Ce fut trois jours de travail intense pour le ministre tunisien, ses collaborateurs, et les représentants camerounais de certaines administrations, des entreprises et sociétés publiques en charge de l’habitat et du financement que sont, entre autres : la Société immobilière du Cameroun (Sic), le Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention Intercommunale (Feicom), la Mission d’Aménagement et d’Équipement des Terrains urbains et ruraux (Maetur), Laboratoire National de Génie civil (Labogénie); les représentants du secteur privé que sont : le Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), Chambre de commerce, des Mines et d’Industries du Cameroun, et autres opérateurs économiques.

Ils ont également été reçus en audience par le Premier ministre, Chef du Gouvernement et certains membres du gouvernement dont le ministre de l’Habitat et du Développement urbain, le ministre des Relations extérieures, le ministre du Domaine du Cadastre et des Affaires foncières et le ministre de l’Économie de la Planification et de l’Aménagement du Territoire.

Visite des sites

Audiences

Lors de ces audiences, les axes de discussions ont essentiellement porté sur l’état de la coopération entre le Cameroun et la Tunisie ; le partage d’expériences dans la construction des logements, les cadres institutionnelles et réglementaires en matière d’habitat ; les politiques de financements de l’habitat et du développement urbain durable ; la mise en place d’un partenariat public-privé solide à l’échelle internationale, la mise en place d’un système de visites réciproques des deux membres du gouvernement tunisien et camerounais et leurs collaborateurs ; l’échange d’experts et de technologies entre les deux parties ; le renforcement de capacité entre les acteurs urbains sur des questions spécifiques ; des échanges de technologie et d’expertise en matière de construction d’une centrale d’achat et d’achèvement des logements sociaux en cours avec l’appui des entrepreneurs tunisiens ; la mise en place d’un cadre d’échange et de coopération à travers la mise en œuvre d’une commission mixte sectorielle contenue dans un mémorandum d’entente à signer par les deux parties.

Au sortir de ces entretiens avec les membres du gouvernement, les deux parties ont organisé une séance de débriefing au cours de laquelle ils se sont accordés sur les termes du mémorandum d’entente (Mou) qu’ils devront signer conformément aux principales recommandations. À savoir : la mise en place des actions concrètes pour une coopération immédiate d’actions fructueuses et gagnant-gagnant ; la signature dans un bref délai du Mou par les deux parties ; la mise en place d’une plate-forme de concertation Mou entre le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières du Cameroun et le ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire de la Tunisie dans le domaine du cadastre et de la maîtrise foncière ; le dialogue continuel entre les deux parties en vue du partage d’expériences dans les domaines de la promotion de l’habitat social et du développement urbain durable ; la mise en place d’une assistance technique à la Sic pour le renforcement de ses capacités en tant que Constructeur, Agent et Promoteur immobiliers de l’État ; l’encouragement des actions de partenariat entre les entreprises des deux pays pour la réalisation des projets communs dans l’un ou l’autre pays, l’envisagement des axes de coopération dans le domaine de la recherche et de l’aménagement des  Smart Cities, entre autres.

Aussi ont-ils procédé à une visite guidée sur les sites d’aménagements et de construction de logements, notamment à la ville nouvelle d’Olembé, sur les projets Sic (immeuble 93, immeuble Febe, cité Sic Nlongkak et cité verte) et le projet de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen

Noureddine Selmi s’adressant à la presse

Satisfaction

Au terme de cette visite, Noureddine Selmi a exprimé sa satisfaction devant les médias : « Je suis satisfait de cette visite de travail effectué au Cameroun et de ce partenariat qui va nous permettre d’accompagner le Cameroun dans l’adressage de l’important déficit en logements sociaux. J’invite le ministre de l’Habitat et du Développement urbain en Tunisie, en vue de consolider ce processus de coopération déclenché au Cameroun.»

Les Camerounais aimeraient bien voir ce rêve se réaliser, mais selon l’opinion publique, la réalité sur le terrain est tout autre. Selon l’homme de la rue, combler ce déficit en termes de logements sociaux au pays de Paul Biya relève de l’utopie. « Ce sera un véritable exploit pour madame Courtès si elle réussit a implémenté le modèle tunisien au Cameroun, dans un contexte où les logements sociaux se posent avec acuité. Ces maisons sont construites pour lutter contre la pauvreté et mettre un toit au-dessus des têtes des démunis. Mais, curieusement ce sont les riches qui y ont droit. Pendant ce temps les pauvres souffrent au quartier entre les mains des bailleurs qui les accablent avec les coûts exorbitants de loyer. Du coup on se rabat dans des bidonvilles », fulmine Zangué, instituteur, visiblement agacé.

D’un ton acerbe, Onana, commerçant estime que : « Acquérir un logement social au Cameroun est tout un mythe et une grosse arnaque. Si tu n’as pas de réseaux et de l’argent à donner au démarcheur, n’y pense même pas ! Le logement social au Cameroun n’est pas à la bourse d’un Camerounais lambda. C’est un leurre et il nous faut des décennies pour parvenir à un excédent comme en Tunisie. »

Quant à Marie-Monique, étudiante, elle encourage les efforts du Minhdu, mais émet des réserves quant à l’implémentation du modèle tunisien au Cameroun. « J’admire beaucoup Madame Courtès car depuis qu’elle est à ce poste, elle ne cesse d’œuvrer pour changer la physionomie de la cité capitale en ce qui concerne l’urbanisation. Je l’encourage beaucoup, mais le mal est profond. Pour copier le modèle tunisien et le réaliser ici, je pense qu’il faut d’abord que l’accès aux logements soit simplifié et mis à la disposition des plus nécessiteux après une étude de dossier et voire même une descente sur le terrain pour un recensement en bonne et due forme. »

Mirabelle Tala

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