Simple hasard du calendrier ou conséquence des grèves de cette année scolaire 2021-2022 ? Difficile de répondre, mais le projet mijotait dans la marmite de l’État depuis un temps : découpler la formation dans les Écoles normales – École normale supérieure (ENS) et École normale supérieure de l’Enseignement technique (ENSET) – et le recrutement à la fonction publique de l’État.
Apparemment, c’est désormais chose faite, comme cela était devenu de règle pour les Écoles normales d’Instituteurs de l’Enseignement général (ENIEG) et les Écoles normales d’Instituteurs de l’Enseignement technique (ENIET) depuis déjà belle lurette. Le document conjoint n°031018 du 19 mai 2022 cosigné par Joseph Lé, ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative (MINFOPRA) et Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur (MINESUP), est en tout cas clair sur le sujet en son alinéa d) qui décide de : « séparer dès l’année 2023, les fonctions de formation de celles d’intégration à la fonction publique ; ce qui induit que le MINESUP continuera à organiser les concours d’entrée dans les ENS et les ENSET, tandis que le MINFOPRA procèdera à l’organisation des concours directs pour l’intégration des lauréats des ENS et des ENSET dans la fonction publique de l’État, en tenant compte des besoins exprimés par le MINESEC ainsi que des disponibilités budgétaires. »
C’est donc la fin sonnée d’une des dernières filières ouvertes d’accès de masse à la fonction publique. Déjà le MINFI se plaint des flux annuels trop importants des recrues au ministère des Enseignements secondaires (MINESEC) (comparés à ceux du ministère de l’Éducation de base (MINEDUB) où ce découplage, réalisé plus tôt, a permis de contenir, pour le réduire, le débit des entrées) qui impacte de façon « disproportionnée », selon ce département ministériel, ses allocations budgétaires. L’outil de rationnement est désormais en place et peut, à son tour, ouvrir la voie à l’autre volet de cette réforme : la libéralisation de la formation des enseignants du secondaire. Il ne faut pas s’étonner si la rentrée académique prochaine coïncide avec le lancement des ENS/ENSET privés.
Le marché, jusqu’ici, ne s’était emparé que de l’exercice du service public de l’éducation, et n’avait pu s’attaquer qu’à la formation des enseignants de base. Les conséquences, on les connait désormais : baisse de la qualité des formations, désajustement de la demande et de l’offre de postes de travail, dégradation des conditions de vie et de l’exercice du métier (un titulaire du Certificat d’Aptitude pédagogique d’instituteurs de l’Enseignement maternel et primaire (CAPIEMP) et du Certificat d’Aptitude pédagogique d’instituteurs de I ‘Enseignement technique (CAPIET) touche difficilement deux Salaires minimum interprofessionnel garanti (SMIG) dans le secteur privé et à peine plus d’un SMIG comme maître de parents). Les temps vont devenir difficiles pour les futurs enseignants du secondaire d’autant que cette inflexion indique en outre une accélération de la privatisation de ce sous-secteur de l’éducation.
Roger Kaffo Fokou