Magistrature : enfin, la convocation du Conseil supérieur!

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Après trois (3) années d’hibernation, le chef de l’État, Paul Biya a convoqué une session du Conseil supérieur de la magistrature qui se tiendra le 6 août 2020 à la présidence de la République.

Trente (30) jours avant sa tenue effective, le chef de l’État, Paul Biya a convoqué une réunion du Conseil supérieur de la magistrature. Selon la décision signée le 6 juillet 2020 et rendue publique le même jour, « une réunion du Conseil supérieur de la magistrature est convoquée et se tiendra dans la salle des audiences de la présidence de la République, Palais de l’Unité, le jeudi 06 août 2020 à partir de 10 heures ».

Cette convocation n’a pas surpris grand monde dans le milieu judiciaire au Cameroun. Certains actes du président de la République, par ailleurs président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), laissaient déjà présager la convocation imminente de cette importante assise très attendue par les magistrats en activité de service et les auditeurs de justice sortis de l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature (ENAM), et dont les carrières sont figées depuis 2017.

Décision convoquant le Conseil supérieur de la magistrature

Comme signes avant-coureurs, il y a la  remise aux membres titulaires nouvellement nommés, quelques jours avant la publication de la décision présidentielle ci-dessus, des convocations, et, surtout, la signature, le 15 juin 2020, par le chef de l’État, de deux décrets importants qui redonnent vie à cette instance importante, point nodal de la gestion de la carrière des magistrats. Le premier décret (n°2020/315) nommait de nouveaux membres du CSM, régularisant ainsi une situation dans laquelle s’étaient trouvés tous les membres de cette institution dont les mandats étaient caducs depuis 2019. Ont ainsi été nommés pour un mandat de cinq (5) ans : Messieurs Ali Mamadou, Essomba Bengono Engelbert Alain, Madame Soppo Toute Marlyse (personnalités désignées par l’Assemblée nationale) ; mesdames Mekoulou Cunégonde Christine, épouse Ngotty, Fofung Nabun, épouse Wacka, Monsieur Manga Moukouri Isaac (personnalités désignées par la Cour suprême) ; monsieur Ekono Nna Albert, personnalité désignée par le président de la République. Leurs suppléants sont respectivement : Monsieur Abe Mikhael Ndra, Mesdames Goni Mariam, Ngo Issi Rolande Adèle (personnalités désignées par l’Assemblée nationale) ; madame Ntyam Ondo, épouse Mengue Me Zomo, Messieurs Njumbe Ernest Njumbe, Oumarou Abdou (personnalités désignées par la Cour suprême) et Monsieur Amadou Ali désigné par le président de la République.  

Le second décret (n° 2020/316) portait nomination, au poste de secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature, de Abel Minko Minko, magistrat hors hiérarchie 1er groupe, précédemment en activité de service à la Cour suprême. Il remplace à ce poste, Foumane Akame, décédé le 13 janvier 2019 et originaire, comme lui, du département du Dja et Lobo, région du Sud.

Ces nominations avaient fait couler beaucoup d’encres et de salives dans les milieux politiques et judiciaires, des observateurs avertis estimant qu’elles étaient entachées de grossières irrégularités. Selon ces critiques, la Cour suprême et l’Assemblée nationale n’avaient pas respecté la démarche à suivre pour la désignation de leurs représentants avant la transmission de leurs noms au président de la République.

Bien plus, dans une déclaration rendue publique quelque temps après la publication des décrets sus-cités, l’honorable Jean Michel Nintcheu, député Social Democratic Front (SDF), se fondant sur le critère de l’équilibre régional en vigueur au Cameroun depuis belle lurette, n’avait pas hésité à dénoncer l’absence, dans les listes des promus au CSM, des fils de certaines régions du pays, notamment celle de l’Ouest. Jean Michel Nintcheu qui, outré, avait demandé « aux autorités en charge du pouvoir de nominations de ne pas continuer à jouer avec le feu » déclarait « Contrairement à ce qui nous est rabâché très souvent dans les oreilles à savoir que les nominations et critères de représentativité dans les institutions du pays doivent tenir compte de l’équilibre régional, je constate pour le regretter et le dénoncer que, de plus en plus, un certain nombre d’institutions de premier plan dans notre pays ne tiennent plus aucunement compte de ces données qui, pendant longtemps ont tenu autant que faire se peut l’équilibre social dans notre pays. Bien que très souvent nous émettions des réserves sur cette occurrence. Puisqu’elle existe et en attendant qu’on trouve d’autres modes d’équilibre social. On peut s’étonner que certaines régions de notre pays soient de plus en plus oubliées dans les nominations au sein de certaines institutions à l’instar du Conseil supérieur de la magistrature au sein duquel la région de l’Ouest Cameroun a été complètement rayée alors que d’autres régions du pays ne comptent pas moins de deux représentants dans la même institution. »

Cour suprême

Les propos de certains magistrats corroborent ceux de Jean Michel Nintcheu. Après la convocation du CSM, un magistrat, visiblement agacé et résigné confie : « La convocation du Conseil supérieur de la magistrature est une bonne chose. Au moins, cela permet aux magistrats d’évoluer dans leur carrière et aux auditeurs de justice formés à l’ENAM d’intégrer les rangs des magistrats. Ces nouvelles cuvées viendront réduire, sans le combler, le déficit en magistrats dans les juridictions. Cela permettra aussi de pourvoir les postes vacants dus soit aux nombreux décès survenus dans les rangs des magistrats, soit aux départs de beaucoup d’autres appelés à faire valoir leurs droits à la retraite. C’est l’unique avantage de mon point de vue. Pour le reste, les nominations, je n’attends rien. On confiera les postes importants aux mêmes comme si on voulait former une ceinture de sécurité judiciaire autour du régime. C’est un fait, des ressortissants de certaines régions ne pourront pas accéder à certains postes, même dans leurs régions d’origine. Faites une analyse des récentes nominations au sein du CSM et vous comprendrez ce que je veux dire. »

Faut-il le rappeler, la dernière session du Conseil supérieur de la magistrature s’était tenue le mercredi 7 juin 2017. Cela fait donc trois (3) années qu’elle ne s’est pas tenue, alors qu’elle est supposée se tenir annuellement. Trois années au cours desquelles trois promotions des auditeurs de justice formés à l’Enam tournent les pouces au quartier ; trois années au cours desquelles de nombreux postes sont restés vacants et la carrière des magistrats figée ; trois années de frustration et de démotivation des magistrats. Ce qui n’étonne pas les pourfendeurs du Renouveau qui ont toujours stigmatisé l’inertie au sommet de l’État et dans la gestion des affaires publiques à différents niveaux de l’administration.

Fabien Okonkwo

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