Délivrance des E.visas d’entrée au Cameroun : absence de transparence et d’équité dans le choix du prestataire.

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Le gouvernement camerounais vient de signer, dans l’opacité, avec Impact Palmarès, une jeune entreprise de droit ivoirien, un contrat permettant la délivrance des E. Visas. Ce qui n’a pas laissé indifférent les responsables du Groupement des Entreprises du Digital du Cameroun (GEDCAM) . Leur réaction ne s’est pas fait attendre.

Informé de la mise en place, par les autorités camerounaises, d’un système de délivrance des E Visas, autrement dit d’un système de demande en ligne des visas d’entrée au Cameroun à travers toutes les représentations diplomatiques et consulaires camerounaises, le président exécutif du Groupement des Entreprises du Digital du Cameroun (GEDCAM), Priso Genestar a adressé, le 6 juillet 2022, au Premier ministre camerounais, une correspondance dans laquelle il s’interroge sur la procédure ou les conditions de sélection non transparentes et non équitables du prestataire. Dans cette correspondance qui ne remet pas en cause le savoir-faire de l’entreprise choisie, le président du GEDCAM, pointe du doigt « le caractère très opaque des appels à manifestations d’intérêt ou des sélections des différents opérateurs pour les projets d’envergure de cette nature ». Il souhaite « que son offre soit confrontée à d’autres, pour évaluer le meilleur rapport en termes de compétence, de qualité, et de coût. »

Selon le président exécutif du GEDCAM, en choisissant la voix épistolaire, la démarche de ce groupement n’est pas motivée par « les dénonciations de nature à créer des polémiques ou des conflits de quelques natures que ce soit ». Mais, elle vise à éviter au Cameroun des échecs tels que ceux relevés et récurrents dans des projets d’importance similaire au Cameroun, notamment en ce qui concerne le projet de délivrance de la carte nationale d’identité (CNI), pour ne citer que cet exemple. Car, précise le destinateur, le groupement qu’il dirige est « résolument orienté vers la recherche des solutions éprouvées et pérennes pour notre pays. Car tant que le Cameroun existera, il recevra à travers le monde entier des visiteurs et les Camerounais d’origine d’une autre nationalité d’où la nécessité de garantir la fiabilité et la durabilité de tout projet digital en ce qui nous concerne. »

« Le groupement est résolument orienté vers la recherche des solutions éprouvées et pérennes pour notre pays. Car tant que le Cameroun existera, il recevra à travers le monde entier des visiteurs et les Camerounais d’origine d’une autre nationalité d’où la nécessité de garantir la fiabilité et la durabilité de tout projet digital en ce qui nous concerne.« 

Au regard de cette absence de transparence et d’équité, et malgré l’attribution du marché, certaines questions taraudent l’esprit des responsables du GEDCAM, notamment celles relatives à la prévision des charges récurrentes et leur prestataire, à la garantie de souveraineté et au stockage des informations traitées ; au bon fonctionnement des délivrances physiques des visas et à la coopération Sud/Sud.

Répondant à une question du quotidien Mutations du 15 juillet 2022 qui cherche à comprendre pourquoi leur regroupement attire l’attention du Premier ministre sur la jeunesse de l’entreprise Impact Palmarès qui n’a que trois ans d’existence et qui n’a pas développé l’infrastructure technologique appropriée, Priso Genestar déclare : « La recherche d’informations sur une Entreprise est une chose courante aujourd’hui et rien ne saurait se cacher. Il serait incongru pour un Groupement des TICS qui se veut sérieux comme le nôtre de ne pas se prononcer en vérifiant les informations sur une entreprise bénéficiaire de la réalisation d’un projet qui relève des corps de métier sur le Digital. Aussi important et sensible, vu son caractère de souveraineté (Carte consulaire et Visa). La faiblesse dans la réalisation de tout projet réside dans le fait que l’opérateur choisi n’ait pas un personnel permanent qualifié et qu’il doit faire recours à d’autres compétences non connues par le donneur d’ordre. Ce sont les prémisses de la fragilité du projet et la légèreté du gouvernement camerounais. Et le comble serait l’inexistence d’un cahier de charges à cet effet. ».

Selon un observateur averti ayant requis l’anonymat, la démarche du GEDCAM « est d’autant plus pertinente qu’il nous revient à l’esprit les problèmes et les micmacs liés à la production et à la délivrance des cartes nationales d’identité, problèmes liés à la rupture de contrat avec l’entreprise Thalès. Ce qui a fait en sorte qu’à un moment donné des millions de Camerounais n’étaient pas détenteurs de la CNI. En signant un contrat avec Gemalto, le gouvernement avait pensé qu’il pouvait se débarrasser de Thalès à qui il devait beaucoup d’argents. Hélas, Thalès, avait repris Gemalto ». Cette reprise marquait le retour de ce groupe français dans le contrat de la CNI sécurisée au Cameroun. Même si, apprenait-on, Gemalto devait continuer « à exploiter sa propre marque »

La CNI de toutes les controverses

L’accord de reprise ou de « rapprochement » stratégique visant à créer « le leader mondial de la sécurité digitale » avait été officiellement rendu public le 17 décembre 2017, par les deux groupes Thalès et Gemalto, dans un communiqué conjoint. « L’acquisition de Gemalto marque une étape clé dans la mise en œuvre de la stratégie de Thalès. Avec l’équipe de direction de Gemalto, nous avons de grandes ambitions fondées sur une vision partagée de la transformation numérique de nos métiers et de nos clients. Notre projet bénéficiera à l’innovation et à l’emploi, tout en respectant les enjeux de souveraineté liés aux technologies stratégiques. », avait expliqué Patrice Caine, PDG de Thalès.

Malgré ce rachat, la production et la délivrance des CNI sont demeurées un serpent de mer. À telle enseigne que récemment, notamment en 2020 et 2021, des milliers de Camerounais se retrouvaient sans pièce d’identité. Une situation qui avait suscité leur courroux et le lancement d’une campagne de mobilisation autour du slogan « Je veux ma CNI ».

La situation des demandeurs de passeport était presque identique. Mais, dans ce cas, la situation s’est améliorée dans le sens de la production rapide et de la délivrance, en 48 heures après l’enrôlement en ligne du demandeur, de cet indispensable document de voyage avec l’inauguration, le 25 aout 2021, d’un centre national de production de passeport de Yaoundé. Le consortium germano-portugais Augentic-INCM, le nouvel opérateur qui avait signé, le 18 septembre 2020, un contrat de partenariat de dix ans avec les autorités camerounaises, s’était également engagé à aider le gouvernement à bâtir ou à rénover dans chacun des dix chefs-lieux de région du Cameroun, des sites de délivrance de ce précieux sésame.

Fabien Okonkwo

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