Cenadi : des solutions palliatives trouvées

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Les serveurs du Centre national de développement de l’informatique (Cenadi) sont à nouveau fonctionnels depuis le 14 mai 2019. À l’observation, tout laisse penser que des solutions trouvées sont provisoires, le niveau de sécurisation étant encore fragile

Martial Owounou., fonctionnaire et enseignant en service au ministère des Enseignements secondaires a choisi ce samedi 1er juin 2019, pour se présenter à la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le Crédit (Bicec), agence Le Parc, pour percevoir son salaire du mois de mai 2019. Son choix, affirme-t-il, est motivé par son souci d’éviter l’affluence, les bousculades et les longues heures d’attente devant les guichets que l’on observe les premiers jours, après l’annonce de la disponibilité des salaires dans les banques. Ce jour, la banque est presque vide. Environ 15 personnes occupent les deux rangs qui conduisent aux deux guichets ouverts où officient deux jeunes dames au sourire toujours accueillant. Martial s’aligne derrière une jeune dame arrivée un peu négligée quelques minutes avant lui. Au fur et à mesure que le rang avance, Martial ne cesse de soliloquer. On peut l’entendre se répéter plusieurs fois à lui-même : « Je ne sais pas si mes avancements sont passés. Si ça passe, je vais me taper une bonne bière glacée ». Perdu dans ses méditations et avançant comme un automate, il ne se rend même pas compte que son tour est arrivé. C’est quand la guichetière lance « monsieur, avancez » qu’il revient sur terre et se précipite à grandes enjambées vers le guichet. Avant de remplir son chèque, il demande à son interlocutrice de lui communiquer sa « position », c’est-à-dire le montant que le ministère des Finances a viré dans son compte. Quelques secondes après, la jeune dame lui donne l’information : « Monsieur, votre compte est crédité de la somme 1 770 000 FCFA ». Martial n’en croit pas à ses oreilles. Il pousse soudain un cri de joie, bondit comme un cabri en déclarant « Dieu est grand. Il écoute toujours nos prières ».

Après avoir perçu son salaire, Martial Owounou devient prolixe. « Après 10 ans sans avancement, j’avais réussi, en novembre 2018, à obtenir mes arrêtés d’avancement et de reclassement. Par la suite, j’ai introduit auprès des structures compétentes, ces arrêtés afin de bénéficier des effets financiers auxquels j’avais droit. Il m’avait été promis qu’en mars dernier, tout devait être près. Mais, le 6 mars, les serveurs du Cenadi étaient tombés en panne. Rien ne passait plus. Ce sont les salaires de janvier ou de février, me disait-on, qui étaient reconduits de mars à avril. Le 14 mai, un ami m’informe que les serveurs du Cenadi sont à nouveau fonctionnels. J’ai prié pour que mon dossier passe », déclare-t-il, joyeux.

Plusieurs fonctionnaires et agents de l’État se trouvaient dans la situation de Owounou. Certains ont bénéficié des effets financiers liés à leurs actes d’avancement et de reclassement. D’autres, les néo-retraités ont perçu leur première pension retraite. D’autres enfin doivent compléter leur dossier pour enfin bénéficier de leur pension. Zacharie K., fonctionnaire à la retraite et ex-haut commis de l’État, est de ceux-là. « J’avais remis mon dossier à un cousin qui travaille aux Finances. Il m’avait dit que mon dossier était à l’instance de validation et que je pourrais toucher ma pension en mars. Après j’ai juste appris que les serveurs étaient en panne. Il vient de me demander de compléter mon dossier et qu’avec la remise en service des serveurs au Cenadi, ma pension me sera payée à partir de ce mois de juin», relate-t-il.

Selon certaines sources proches du ministère des Finances, « cette situation avait mis le ministre mal à l’aise. D’autant plus que ses ennemis politiques qui contrôlent certains journaux avaient déclaré que le ministre voulait pousser les fonctionnaires et agents de l’État à la grève. C’est pourquoi il avait donné des instructions fermes pour que les choses reviennent dans l’ordre dans les plus brefs délais. » Cette source fait ainsi allusion au journal Essingan qui dans une de ses éditions et relativement à la panne des serveurs survenue au Cenadi, pointait son doigt accusateur sur Louis Paul Motaze en titrant à la grande Une de son édition n°192 du 24 avril 2019: « Traitement de la solde: Le Minfi pousse les fonctionnaires au soulèvement ». Et stigmatisait son « incapacité » à trouver une solution au dysfonctionnement survenu dans cette institution.

Sécurisation du Cenadi:: l’urgence signalée

Du côté du Cenadi, la sérénité a été retrouvée et les yeux sont désormais rivés vers la hiérarchie qui devrait prendre toutes les dispositions pour éviter de nouveaux dysfonctionnements. Un responsable du Cenadi affirme : « Vous êtes passé ici plusieurs fois pour avoir des informations sur la situation qui prévalait ici au Cenadi. Je ne pouvais rien vous dire, car n’ayant pas reçu de ma hiérarchie l’autorisation de parler aux journalistes. Cependant, même sans entrer dans les détails, je peux vous dire que les choses sont revenues à la normale depuis le 14 mai. Et tout est mis en œuvre pour éviter la survenance de tels dysfonctionnements. Les instructions du ministre sont assez fermes après la tenue du Conseil de direction. »

De fait, le 13 mai 2019, quelques heures avant la remise en service des serveurs, Louis Paul Motaze avait ressuscité le Conseil de direction du Cenadi qui était resté en hibernation depuis presque 25 ans. En principe, cette instance devrait se réunir au moins deux fois par an afin de définir les orientations de cette institution. Au cours dudit conseil, le Minfi avait reconnu que le niveau de sécurisation du Cenadi était encore fragile et que la situation de l’architecture matérielle, infrastructurelle était un peu vieillissante. « Nous avons trouvé des solutions palliatives qui permettent que les salaires continuent d’être servis. Des dispositions ont été prises pour que des experts de CFAO [conception et fabrication assistées par ordinateur], de IBM qui sont là, travaillent. Nous avons un grand espoir que nous allons finir par comprendre ce qui s’est passé. Heureusement cette panne dont on parle est arrivée après qu’on ait trouvé qu’il fallait quand même rattraper le retard, ce qui fait qu’au mois de septembre, grâce à l’intervention des ministères des Marchés publics et des Affaires foncières, nous avons pu commander un matériel nouveau parce que nous prévoyions effectivement que des pannes pouvaient arriver et nous n’avions pas beaucoup de garanties, beaucoup de couvertures. »

Pourvu que l’on ne s’installe pas dans la durée dans des solutions palliatives ou dans le provisoirement définitif comme il est de coutume au Cameroun, lance ironiquement un observateur.

Fabien Okonkwo

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