Enseignement supérieur : un recrutement spécial problématique fait des victimes

0
2173

Les docteurs Ph/D estiment que le texte du chef de l’État n’a pas été respecté. Des titulaires du Master II auraient été recrutés au détriment des véritables titulaires du doctorat Ph/D. Des candidats retenus qui n’ont jamais passé l’interview avec les jurys de sélection. Le recrutement spécial dans les universités d’Etat ordonné par le chef de l’Etat fait trop de bruits et des victimes.

 « C’est triste de voir circuler dans les médias et les réseaux sociaux les images des titulaires de doctorat Ph/D couchés à même le sol au ministère de l’Enseignement supérieur (Minesup) où ils dorment à la belle étoile dans le cadre d’une grève qu’ils ont initiée pour dénoncer les injustices dont ils sont victimes ». Ainsi s’exprimait le 17 décembre 2019, un responsable du Minesup, visiblement indigné.

En fait, ces jeunes chercheurs dénoncent de nombreuses irrégularités constatées après la publication des listes des candidats retenus dans le cadre du recrutement spécial ordonné par le chef de l’État Paul Biya, des 1000 enseignants titulaires du doctorat Ph/D dans les universités d’État du Cameroun. Selon les grévistes, le texte du chef de l’État n’a pas été respecté. C’est la raison pour laquelle, depuis le samedi 14 décembre 2019 à 5 heures du matin, quelques heures après la publications des heureux élus, ils sont devant le ministère de l’Enseignement supérieur et les services du Premier ministre pour faire réparer cette injustice.

S’agissant des listes publiées, ils dénoncent les irrégularités suivantes : Des titulaires du Master II auraient été recrutés au détriment des véritables titulaires du doctorat Ph/D ; des personnes ayant dépassé l’âge limite de 45 ans ont également été retenus ; les doublons apparaissent sur les listes publiées. Plus grave, des noms des personnes n’ayant pas pris part aux auditions se retrouvent sur les listes au détriment de ceux qui ont passé brillamment leurs auditions et ayant un profil conforme. Bien plus, des candidats qui ont soutenu leur thèse en mai 2019 sont recrutés alors que ceux qui ont soutenu leur thèse depuis plusieurs années sont passés à la trappe.

Le chercheur Raoul Sumo Tayo, spécialiste des questions de sécurité, lui aussi recalé s’offusque : « J’ai postulé à Maroua. Je suis parti de Paris pour le dépôt des dossiers de candidature, de Yaoundé pour les auditions. Sans prétention j’étais largement le premier lors des auditions. Par la suite on m’a dit que les fonctionnaires ne seraient pas pris, etc. Ce que je constate à la lecture des listes publiées c’est que c’est le 3e qui a été retenu, la deuxième étant une femme, originaire de l’extrême Nord de surcroît. En plus, des pleg ont été recrutés. Le critère d’équilibre régional qui est mobilisé ne peut expliquer ma non-sélection, car le 3e qui a été recruté est originaire du Noun. Mais bon ! Alhamdulilah je n’ai pas à me plaindre. Je ferai valoir mes modestes compétences ailleurs, en dépit de ce que mon rêve était de rentrer enseigner au 237, même pour 450€ », a-t-il écrit sur Facebook.

Le cas de Brigitte Lékané Vomo, elle aussi recalée, est pathétique et s‘apparente à une grave injustice à elle faite. Âgée de 45 ans et titulaire d’un doctorat en science politique, elle a une expérience pédagogique professionnelle de douze ans (12 ans), puisqu’elle exerçait à l’université de Yaoundé II-Soa comme monitrice de science politique. Elle a également perdu son poste de monitrice de science politique, tout simplement parce que la nouvelle législation en vigueur à l’Université de Yaoundé II, fixe l’âge limite à 41 ans pour exercer comme moniteur ou monitrice. Désespérée, ne sachant donc plus à quel saint se vouer, elle a tenté de mettre fin à ses jours.    

Faut-il le souligner, la prescription présidentielle était d’offrir 2000 nouveaux postes d’enseignants aux universités d’État. La publication des listes des enseignants recrutés marque la fin de la première phase du recrutement spécial des enseignants titulaires du doctorat Ph/D dans les universités d’État. Le processus ayant abouti à la publication desdites listes a été suivi par presque tous les postulants. Il consistait : au dépôt de dossier de candidature, à leur validation dans les départements, à l’audition des différents candidats dans lesdits départements et à la tenue des commissions consultatives. Sauf que ce recrutement selon plusieurs candidats recalés qui s’insurgent contre la discrimination dont ils ont été victimes, l’objectivité n’a pas présidé au choix des heureux élus.

Pour cette première phase, 1237 enseignants viennent d’être recrutés dans les huit universités d’État. La répartition est la suivante : université de Bamenda 166 places ; université de Buea 164 places ; université de Douala 162 ; université de Dschang 144 ; université de Maroua 137 places ; université de Ngaoundéré 165 places ; université de Yaoundé 164 places ; université de Yaoundé 2 : 135 places.

Ce recrutement spécial doit s’étaler sur trois années. Il consiste à recruter 1000 enseignants en 2019, 500 en 2020 et 500 en 2021.

Derrière cette affaire, qualifiée par une certaine opinion, de tripatouillages sur les dossiers de candidature au recrutement des enseignants dans les universités d’Etat, pourrait couver une autre à l’Université de Yaoundé II où le recteur Minkoa She est indexé comme celui qui aurait empêché certains doctorants de postuler en les empêchant de soutenir leur thèse. Un appel a d’ailleurs été lancé sur les réseaux sociaux, par Joseph Thierry Okala Ebode dont la thèse est en souffrance dans le cabinet du recteur depuis le 15 septembre 2017, appelant « toutes les doctorantes  et tous les doctorants de l’Université de Yaoundé II Soa, dont le Pr Adolphe Minkoa She, Recteur, a empêché par méchanceté de déposer les dossiers de candidature pour le recrutement des enseignants assistants alors même que leur thèse, accompagnée des trois rapports de soutenance avec avis favorable, […] à converger […], mercredi 18 décembre 2019, dès 15 heures vers le campus de Soa pour un sit-in ininterrompu jusqu’à ce que leur cas soit résolu et leurs dossiers intégrés parmi les cas des candidats injustement recalés par le Minesup lors du dernier recrutement à polémique ».

Les doctorantes et les doctorants qui se trouveraient dans la situation ci-dessus décrite n’ont réservé aucune suite à cet appel. Rendu au Campus de l’université de Soa ce 18 décembre 2019, aucun sit-in n’a été observé.

Elvis Serge Nsaa

LAISSER UN COMMENTAIRE

Entrez votre commentaire!
Votre non