Pièces de monnaie : Quand la pénurie engendre l’inflation dans les villes

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Le Cameroun tout entier est frappé par une rareté prononcée des pièces de monnaie.  Les consommateurs assistent impuissants à la mise en place d’un phénomène inflationniste. Partout, les vendeurs s’excusent de ne pouvoir trouver des pièces sur-le-champ.

 « Il n’y a pas de monnaie !» Plus qu’une rengaine populaire, cette expression s’est imposée dans le langage des commerçants de la ville de Yaoundé. La rareté de la petite monnaie est la cause de l’inflation dans les espaces marchands. Aline Manfouo s’est présentée ce lundi 16 décembre 2019 au supermarché Dovv à Essos, à 12 heures, pour faire des emplettes. « Nous sommes à la veille des fêtes de fin d’année, et par conséquent, il faut que j’offre des cadeaux aux personnes que j’aime bien », raconte la quadragénaire, toute souriante. Malheureusement, cette humeur joyeuse sera de courte durée. Après avoir opéré ses choix, Aline Manfouo se rend à la caisse pour régler sa facture qui s’élève à 40750Fcfa. Elle attend que la caissière lui rembourse 250 Fcfa. « Je n’ai pas de monnaie. Je n’ai aucune pièce, madame. », lance la caissière. Après une discussion vive entre les deux dames, Manfouo est obligée d’abonner ses achats.

Les exemples comme celui-ci sont légion. À l’origine de ces visages froissés que l’on croise aux abords des espaces marchandes et autres grandes surfaces de la ville de Yaoundé, la rareté des pièces de monnaie habituelle (25f, 50f, 100f) et les piécettes de 1f, 5f, 10f. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, cette situation réjouit les caissières des entreprises publiques et privées qui y voient une opportunité d’arrondir les reliquats au profit de leurs portes-monnaies. « Quand vous avez un billet, l’on arrondit à la hausse le prix de la marchandise pour faire la monnaie plus facilement », renseigne une caissière du supermarché Sentimental du marché Mokolo de Yaoundé. Sur le marché, les effets se ressentent amèrement. « Pour avoir un tas de tomates de 100 francs ici à Mokolo, il faut absolument tenir 100 francs. Si vous avez un billet et si vous n’êtes pas vigilants, les commerçants vous vendent le même tas à 200 f », affirme une restauratrice, surprise. Plus que jamais, la situation donne le sentiment d’être ni contrôlée ni comprise par personne. Les consommateurs se contentent d’assister à la mise en place d’un phénomène inflationniste sans rien pouvoir y faire.

C’est l’économie camerounaise en général et le pouvoir d’achat des Camerounais en particulier qui subissent le contrecoup de la rareté des pièces de monnaie. Pour accroire leurs recettes, les commerçants ont trouvé une astuce. Ils disposent à portée de main d’une caissière de petites friandises ou des bonbons qu’ils proposent aux clients pour compenser l’absence de petites monnaies !  Il est désormais courant de s’entendre dire à la caisse : « Nous n’avons pas 100f ! Prenez quelque chose, des bonbons ou quelques friandises ».

La rareté des pièces de monnaie entraine aussi le développement d’un marché parallèle, un trafic commercial sous-terrain. Les pompistes des stations-service en ont fait un véritable fonds de commerce lucratif. Ornella Temgoua étudiante à l’Université de Yaoundé II-Soa, affirme avoir déjà eu à faire à des pompistes affairistes. « À la station Mobil d’Essos, on change le billet de 5000f en prélevant une commission de 100f, 200 f pour le billet d 10.000f », affirme-t-elle. Certains commerçants véreux proches des églises, paroisses, stations-service et pompistes, se ravitaillent en pièces de monnaie, les conservent, et lorsque la demande devient forte, les sortent et les vendent. D’après le Pr Georges Dieudonné Mbondo, « l’absence de pièces de monnaie créée une inflation de fait ». Autrement dit, l’absence des petites pièces de monnaie est à l’origine de la hausse des prix de certains biens et services. En outre, l’économiste souligne que « quand ces pièces disparaissent, c’est une bonne partie de la masse monétaire qui sort des circuits et qui n’est plus en mesure de financer les opérations économiques, la croissance économique et en particulier le commerce de détail ».

Ces derniers temps, dans le secteur du transport, la rareté des pièces de monnaie a été le thème dominant les débats dans les gares routières, le agences de voyage, surtout chez les chauffeurs de taxi. « Si vous n’avez pas la monnaie exacte correspondant au tarif, les taximen ne vous transportent pas », s’indigne Estelle Nséké. De l’avis de cette infirmière, chaque conducteur de taxi pense ainsi tirer son épingle du jeu en poussant les usagers à payer plus cher que les prix officiels relatifs aux ramassages dans la ville.

Elvis Serge Nsaa

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