La France contre nous

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Des drames et tragédies de notre Histoire pratique, rendre responsable, et même coupable, l’État de France ?

Lui-même s’en disculpe, et plaide sans cesse son innocence : devenus indépendants, tout est notre faute : ce n’est tout de même pas à lui d’aller, à six mille kilomètres, changer une ampoule grillée ! C’est déjà bien de la fabriquer, et générosité insigne, la mettre à notre disposition !

Tout comme de penser et proposer la « bonne gouvernance », pour panser nos maux, d’ailleurs un héritage « culturel » tenace, et même une sorte d’hérédité maléfique, sortie des profondeurs de la nuit des temps, et telle qu’à moins d’une mutation survenue dans quelque génération nouvelle, n’ayant connu ni la colonisation, ni ses lendemains, nous serions voués à la perdition !

Pour tout ce qui nous arrive, nous n’aurions donc à nous en prendre qu’à nous-mêmes, à nos mœurs, nos travers, nos vices, cette sorte de « nature » qui nous colle à la peau, d’une époque à une autre, d’un être à un autre, et constitué, en somme, notre idiosyncrasie !

 Fort bien.

Seulement, ce raisonnement a un vice : au 17e siècle déjà, La Rochefoucauld, moraliste bien connu de M. Macron, disait, à juste titre, que lorsqu’un conflit dure longtemps, les torts en sont, de toute nécessité, partagés. 

Est ainsi irrecevable, l’argument de l’innocence. Pas plus celle de l’État de France que la nôtre.

Mais lui, ne se satisfait pas de mener, tout seul son plaidoyer, et met à contribution notre propre intelligentsia. L’espace de débats fermé chez-nous, il va l’ouvrir six mille kilomètres, y inviter des « jeunes » qui n’ont connu ni la colonisation, ni les « travaux forcés », ni surtout la Guerre d’indépendance, et qui, spontanément déjà, prennent la mer, défient l’océan, pour échapper à la misère hérissée de despotisme.

Soyons justes : M. Macron, par lui-même, n’a vraisemblablement rien inventé, et fait de son mieux pour mener à destination un train dont il n’a pas à changer les rails, qu’il peut seulement conduire, du mieux qu’il peut, le train de l’impérialisme dont un philosophe français qui ne porte pas sur le monde le regard de M. Macron et ses amis de la même classe sociale, à établi une des lois de fonctionnement, le principe d’ « interconnexion » qui énonce que pour comprendre ce qui se passe à un bout de la planète, il faut interroger ce qui se déroule à l’autre, « ici » s’expliquant par « là-bas ».

Régis Debray est prodigue de démonstration sur la justesse de ce principe dans un article de Le Monde diplomatique d’octobre 1978 intitulé ‘’Il faut des esclaves aux hommes libres ».

Les investissements sociaux, et le bien-étre de « là-bas », ont pour pendants la misère et la dictature d’ « ici » qui poussent à prendre la mer une jeunesse qui n’en peut mais.

M. Macron, par lui-même, n’a vraisemblablement rien inventé, et fait de son mieux pour mener à destination un train dont il n’a pas à changer les rails, qu’il peut seulement conduire, du mieux qu’il peut, le train de l’impérialisme dont un philosophe français qui ne porte pas sur le monde le regard de M. Macron et ses amis de la même classe sociale, à établi une des lois de fonctionnement, le principe d’ « interconnexion » qui énonce que pour comprendre ce qui se passe à un bout de la planète, il faut interroger ce qui se déroule à l’autre, « ici » s’expliquant par « là-bas ».

De même, les traits spécifiques par quoi notre idiosyncrasie se trouve surabondamment peinte sont simplement les conséquences de trois siècles de traite négrière, un siècle de colonisation, et bientôt sept décennies d’ « indépendance » dont le principe défini par les prédécesseurs de M. Macron est que « plus ça change, plus c’est la même chose ».

En tout cas, nous n’avons toujours pas d’économie chez-nous, mais le capital français, si. Dans les années 70 déjà, il voyait d’un mauvais œil l’éclosion de la PME locale, et mettait à contribution l’État périphérique de chez-nous pour organiser la banqueroute de la Société du Moungo Plastique, une affaire dont les tenants et les aboutissants n’ont pas échappé à l’auteur de Main basse sur le Cameroun, qu’un prédécesseur de M. Macron fit d’ailleurs interdire, jusqu’à ce que la justice française, différente de la nôtre, et pour cause, le déboute.

C’est le même capital français qui a enclenché, chez-nous, un processus fort intéressé de manipulation institutionnelle dont nous payons, en guerres intestines, le prix tragique : quand en 1972, s’effectue le passage de l’État fédéral à l’État unitaire, rien, dans la constitution de l’époque n’y oblige ; rien, hors le pétrole situé en « zone anglaise » et dont le marché eût été, dans le cadre du fédéralisme, attribué aux capitaux anglo-saxons, à la concurrence redouté à juste titre du capital français.

Plus récemment, ces jours-ci, le même capital français vient de s’adjuger 80% du marché camerounais des boissons, en s’appropriant Guinness, après l’absorption d’une part de l’embryon de l’usine locale dans ce secteur.

On peut, évidemment, toujours plaider que l’État de France n’y est pour rien, et que c’est là, une affaire de concurrence loyale entre divers capitaux. Certes.

Et c’est ce que disent ceux des nôtres qui voient le monde en termes essentiellement juridiques, et perdent de vue la notion des rapports, deux rapports notamment : d’abord entre les capitaux français, et l’État central de France, ensuite, entre celui-ci et nos États de la périphérie capitaliste.

Les nôtres ont pu être dit « forts », et ne le sont toutefois que dans leur rapport au peuple des gouvernés, pas dans leur relation à l’Étranger ; cette force qui sert à opprimer et réprimer tient en respect un peuple qui, autrement, se soulèverait, de sorte à combattre la mainmise des capitaux extérieurs sur notre économie et nos existences. 

Personne, pas même Dieu, d’ordinaire, du côté des riches, ne peut nous sauver : nous avons à nous sauver nous-mêmes du naufrage et de l’asservissement voulus et entretenus par tous les prédateurs, sans secours et sans recours. À condition de nous organiser. En commençant par surmonter nos bisbilles qui nous font nous regarder en chiens de faïence.

Il faut ainsi que les libertés disparaissent de nos climats, que nos États mêmes contribuent à cette disparition, pour que les États du Centre se fortifient et s’emploient à la défense des intérêts, sous nos climats, des capitaux extérieurs.

Voilà un trait de caractère remarquable de l’époque où s’effectue la visite de M. Macron : le règne presque sans partage des capitaux français, l’anorexie consécutive de l’économie locale, l’aggravation de la misère du menu peuple, son musèlement, la migration et l’océan comme tentative de solution spontanée, le soutien de l’impérialisme aux « États forts » mis au service des oligarchies militaro-industrielles extérieures notamment, lesquelles préconisent, pour nos États périphériques, un rôle de régulation administrative dépolitisé, et voué à la protection des intérêts des capitaux externes, essentiellement.

M. Macron ne vient sûrement pas changer cet état de chose : il n’aurait nul besoin de se déplacer, les inflexions imprimées à sa politique envers nous se décidant au loin, sans nous, et en conséquence, contre nous. Malgré le récent sommet de Montpellier dont une des résolutions semble, désormais, prêter le soutien de l’État de France à l’organisation de notre société en mini États ethniques qui se fédéreraient et se confédéreraient en raison directe de la cartographie de son sous-sol, mais la chose n’est pas dite aussi crûment.

Ce que peut M. Macron, pour nous, dans un monde féroce régi par les appétits d’ogres que sont ceux des capitaux, c’est, en réalité, bien peu de chose.

Et là, on a raison de dire que notre destin est entre nos seules mains.

Personne, pas même Dieu, d’ordinaire, du côté des riches, ne peut nous sauver : nous avons à nous sauver nous-mêmes du naufrage et de l’asservissement voulus et entretenus par tous les prédateurs, sans secours et sans recours. À condition de nous organiser. En commençant par surmonter nos bisbilles qui nous font nous regarder en chiens de faïence.

Guillaume Henri Ngnépi

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