Au-delà du complotisme et des postures victimaires : Vénus de Milo versus Vénus Hottentote

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Photomontage Manaousa Malachie et Nourane Foster

Le complotisme et les postures victimaires sont une véritable gangrène pour nos sociétés. J’ai lu quelque part que France 24 aurait recruté des journalistes camerounais pour briser une autre camerounaise : « quand il est question de reportage politique, ce sont les Français qui le font, mais quand il s’agit de briser un Camerounais, ils font appelle (sic) aux frères ». D’abord, c’est totalement faux car sur le Cameroun, la plupart de sujets politiques sont traités par des journalistes et partenaires camerounais de France 24, au premier rang desquels Marcel Amoko et Hémisphère. En procédant ainsi, l’on veut surfer sur la montée du sentient anti-Français pour sauver les Bayam-sellam de l’aventure ambigüe. Il s’agit là d’un invariant des postures défensives au Cameroun depuis un peu plus d’une décennie : la France comme cache-sexe de toute nos dérives.
Ces postures complotistes et victimaires s’appuient généralement sur des mensonges éhontés. Sur le traitement médiatique de la question du djansang, par exemple, contrairement à ce qui se dit, les médias internationaux, notamment français, ont fait un traitement intensif de la problématique du blanchiment de la peau. Il suffit de Googler « blanchiment de la peau » pour s’en convaincre. En outre, au niveau institutionnel, la France mène une lutte acharnée contre ce phénomène à travers la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Ce pays est allé plus loin en créant un service spécial pour les troubles cutanés liés au blanchiment à l’hôpital Saint-Louis à Paris.

l’illusion de la démocratisation de l’expertise […] fait que n’importe qui peut venir remettre en cause la parole de la dermatologue interrogée dans l’enquête de France 24.


Autre chose que nous révèlent ces démarches complotistes et victimaires de nos néo-défenseurs de ce qui nous tient lieu d’industrie cosmétique : l’illusion de la démocratisation de l’expertise qui fait que n’importe qui peut venir remettre en cause la parole de la dermatologue interrogée dans l’enquête de France 24. Les gens ont même l’outrecuidance d’ériger au rang de vérité scientifique leur énoncés subjectifs. Comme quoi les cancres ont pris le pouvoir de l’espace public et s’érigent en directeurs de conscience. Pourtant, la dangerosité des produits incriminés est devenue un lieu commun, tant les articles scientifiques qui le démontrent sont légion. L’on pourrait se référer, par exemple, au travail de Antoine Mahé, Fatimata Ly et Jean-Luc Perret,  » Systemic complications of the cosmetic use of skin-bleaching products », International Journal of Dermatology, vol. 44, no s1,‎ 2005, p. 37–38.
En tout cas, le Djansang est mauvais pour la santé et il est de la responsabilité première des autorités d’assurer la sécurité des citoyens. Le ministre Manaouda a fait un premier pas. C’est louable. Mais il faut aller plus loin. Même chez les Mboka, en RDC, la fabrication, la commercialisation et l’utilisation des produits décapants est interdite depuis 2006. C’est également le cas en Côte d’Ivoire (2015) et au Ghana (2017), avec des résultats mitigés certes, mais c’est déjà ça. Mais il faut l’avouer, la tâche sera difficile car cela touche à notre structure mentale. Il nous faudra d’abord revoir notre conception du « beau », du « raffiné », du « propre ». Nous devons détruire la figure de la « Vénus de Milo » et réhabiliter celle de la « Venus hottentote ». Mais la tâche sera encore plus difficile parce que les premières adeptes du djansang ce sont les femmes et les maîtresses des « nouveaux blancs » qui nous dirigent. De la détermination il faudra.

Raoul Sumo Tayo

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