Le 29 juin 2022, une commission de rédaction de la constitution révisée a été mise en place par décret n°2022-0394. Le 11 octobre 2022, la commission a remis l’avant-projet de la révision de la constitution au Président de la transition. Ce dernier l’a présenté au conseil des ministres le 12 octobre. La commission a fait le tour des institutions pour leur présenter le même document : à la Cour constitutionnelle et à la Cour Suprême le 18 octobre, au Haut Conseil des Collectivités territoriales et au Conseil économique, social et culturel, le 19 octobre, aux membres du CNT, le 24 octobre, et autres organisations.
En préambule, il convient de noter que ce que l’on appelle “nouvelle” constitution n’est en réalité qu’une révision partielle de la constitution en vigueur. Elle est donc soumise à l’article 118 de la constitution en vigueur qui stipule clairement que « Le projet ou la proposition de révision doit être voté par l’Assemblée Nationale à la majorité des deux tiers de ses membres. »et que « La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision ». Ce dernier paragraphe rend impossible une révision totale de la Constitution et ce, d’autant plus que le contenu de l’article 118 est repris dans les articles 190 et 191 de l’avant-projet. Or, seule une révision totale de la constitution pourrait conduire, de facto, à changer la nature du régime républicain, laïc et multipartite, et donc à une nouvelle constitution. Et même dans ce cas, il s’agirait toujours d’une révision et la nouvelle Constitution devrait être votée par les représentants légitimes du peuple, sauf si nous avons à faire à un régime totalitaire dans lequel le dirigeant concentrerait tous les pouvoirs entre ses mains. Ainsi, une simple présentation au CNT ne permet pas l’adoption de l’avant-projet de révision partielle de la constitution en vigueur. Par ailleurs, toujours selon l’article 118 « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». L’intégrité du territoire a-t-elle été rétablie sous la Transition ?. En conséquence, cet avant-projet de révision de la constitution est anticonstitutionnel et mort né.
Un avant-projet conçu pour démembrer le Mali, à l’insu du peuple du Mali.
Il est nécessaire d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur quelques aspects négatifs pour le Mali et les Maliens. Dans ce numéro 16 de Ye taa, l’accent est mis sur certaines parties qui démontrent que cet avant-projet a été conçu pour satisfaire à court, moyen et long-terme, et à tous prix, les groupes armés rebelles et les multinationales étrangères, en passant outre le consentement des premiers concernés : les maliens. La méthode questionne et rappelle celle des bandits fonciers qui volent les terres des pauvres populations, en toute impunité, pour ensuite les « parceller » et faire fortune sur le dos des misérables. Démonstration.
Dans le préambule de l’avant-projet, il est écrit que “Le peuple souverain du Mali […] s’engage à défendre la souveraineté, l’unité nationale et l’intégrité du territoire« . L’article 43 reprend mot pour mot l’article 29 de la constitution en vigueur qui définit ainsi le rôle du Président de la République : « Le Président de la République […] est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des Traités et Accords internationaux. ». Quand nous comparons les articles concernant les traités et accords internationaux (115 pour la constitution en vigueur et 188 pour l’avant-projet), nous constatons qu’un coup de ciseaux magiques donne au Président de la République, le pouvoir de découper le Mali comme il le souhaite, sans devoir en référer au peuple malien.
L’article 115 de la constitution en vigueur stipule que « Les traités de paix, de commerce, les traités ou accords relatifs aux organisations internationales, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes,
ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu de la loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été approuvés ou ratifiés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement du peuple. ».
Voici l’Article 188 de l’avant-projet : « Les traités de paix, de commerce, les traités ou accords relatifs aux organisations internationales, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui sont relatifs à l’État des personnes, ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu de la loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été approuvés ou ratifiés. ». Les deux phrases de l’article 115 qui empêchent le Président de décider seul de découper le Mali ont disparu. Avec cet avant-projet, les traités « qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire » ne sont pas mentionnés. Mieux, la suppression de la phrase « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement du peuple » permet au Président de la République de céder, échanger ou ajouter un territoire sans le consentement du peuple. Ceux qui doutaient du caractère illégal de l’Accord d’Alger sont à présent rassurés. Comment le peuple et le Président de la République peuvent-ils être garants de l’intégrité du territoire, quand le même texte autorise le Président à céder une partie du territoire sans consulter le peuple ? Devenir Président de la République fait-il du Mali sa propriété privée dont il peut disposer à sa guise ?
Avec cet avant-projet, le Malien passe tranquillement du statut de citoyen – personne jouissant, dans l’État dont il relève, des droits civils et politiques, et notamment du droit de vote (par opposition aux étrangers), d’après le Larousse – à celui de sujet puisque le Président pourra disposer du Mali comme s’il s’agissait de sa propriété privée, sans rendre de compte au peuple malien. Avec cet avant-projet, ce sont les rebelles armés séparatistes, alliés aux terroristes et narcotrafiquants qui inféoderont les populations du nord du Mali.
L’article 60 de l’avant-projet enfonce le clou : « Le Président de la République, […] peut soumettre au référendum toute question d’intérêt national, tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, l’approbation d’un accord d’union ou l’autorisation de ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des Institutions ». La cession d’une partie du territoire ne sera pas, elle, soumise à référendum par le garant de l’intégrité du Mali, parce que cela pourrait gêner le fonctionnement des Institutions ?
Force est de constater que la démocratie à la sauce des groupes rebelles armés séparatistes est contagieuse : la légitimité par les armes a remplacé la légitimité par le vote (même imparfait). Allons-nous nous fier à un homme parce que ses paroles ont le goût du miel, parce qu’il a la médaille bonbon facile, parce qu’il utilise l’argent public à des fins de clientélisme ? Pendant ce temps, nous nous comportons comme des enfants devant un magicien, qui regardent le doigt qui s’agite pour nous divertir, en complicité avec la CMA et l’Algérie, pendant que l’opération “malicide” bat son plein dans le dos des maliens.
Le 30 décembre 2022, le Ministère de l’Administration territoriale, a fait parvenir aux partis politiques un courrier les invitant, jeudi 12 janvier 2023, à une rencontre du Cadre de concertation nationale qui a pour objectif “d’échanger sur les pistes qui permettraient une meilleure organisation du référendum suivant une démarche consensuelle et inclusive”. L’avant-projet serait donc prêt à être soumis au peuple malien par référendum, sans avoir été validé par le CNT, et en étant en contradiction avec la Constitution en vigueur qui reste la référence, sur deux points capitaux ?
Un avant-projet conçu pour une application intégrale et sans nuance de l’Accord d’Alger.
Cet avant-projet de constitution est en réalité taillé sur mesure pour satisfaire une minorité dans la minorité qui a pris les armes contre toute la nation malienne. Ce n’est vraiment pas le moment de réviser la constitution dans le seul but d’appliquer un accord illégitime, illégal. Un accord qui conduit à la division du Mali et à une guerre civile inter et intra-communautaire. Ni les militaires au pouvoir, ni les groupes rebelles armés de la CMA n’ont été mandatés pour détruire leur pays, à plus forte raison au bénéfice de l’impérialisme international et de ses alliés nationaux.
Le Mali appartient aux maliens et ce sont eux qui doivent décider, tous ensemble, de leur sort. Ni au nord, ni au sud, ni ailleurs au Mali, les armes n’auront le dernier mot. Les rebelles armés ne peuvent pas vouloir vivre de l’argent des Maliens sans rien produire eux-mêmes, occuper des postes élevés dans l’administration malienne et vouloir détruire le Mali.
Ibrahima KÉBÉ Tamaguidé
Association politique Faso Kanu Membre du FRAA
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