L’absence d’un dépistage systématique avec prise en charge appropriée des cas détectés explique la forte morbi-mortalité au Cameroun.
Monique Méka, âgée de 45 ans souffre du cancer du col de l’utérus depuis 2014. Hypertendue connue, avec antécédent d’accident vasculaire cérébral, elle a été consultée au mois de mars dernier au Centre hospitalier universitaire de Yaoundé (Chuy). Selon le Dr. Yvette Kene, gynécologue obstétricienne en service dans cet établissement hospitalier, les cancers du col de l’utérus et celui du sein sont les cancers féminins les plus répandus au Cameroun. Les spécialistes révèlent que malheureusement, les femmes se présentent généralement à l’hôpital quand la maladie est en phase terminale, après avoir perdu temps et argent chez les guérisseurs traditionnels, les charlatans et centres de santé des quartiers. A ce stade, les seules options de traitement restent alors la chirurgie, la radiothérapie ou la chimiothérapie. « Ça nous fait tellement mal parce que dans le cas du cancer du col de l’utérus, il est possible de le prévenir par la vaccination. On peut aussi le guérir à condition de faire le dépistage précoce », assure la gynécologue obstétricienne. D’après des professionnels de la santé, le cancer du col de l’utérus est une tumeur maligne qui prend naissance dans la partie inférieure de l’utérus qui est le col.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms) 570 000 nouveaux cas de cancer de col de l’utérus sont détectés dans le monde. 311 386 décès ont été enregistrés à ce jour, peut-lire dans la déclaration de l’Oms sur la vaccination contre le virus du papillome humain (Vph) du 23 octobre 2019. Si des statistiques pour ce qui est du Cameroun n’apparaissent pas, le document fait tout de même état de nombreux cas dans le pays. « La prévalence de l’infection par le Vph parmi les femmes adultes au Cameroun est estimée à 40%, ce qui fait figurer le Cameroun parmi les pays ayant les prévalences les plus élevées », explique le Pr. Phanuel Habimana, le représentant Oms au Cameroun. On apprend également qu’un cancer du col utérin a été diagnostiqué chez 2000 femmes en 2018. L’organisation craint que « ces données soient largement sous-estimées du faible système national d’enregistrement des cancers ».
Ce type de pathologie est classé parmi « les plus grandes menaces pour la santé des femmes, en particulier dans les pays en développement ». D’après l’Oms, le cancer du col de l’utérus est le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes. Pour ces raisons et tenant compte du fait que le cancer du col peut être évité par un dépistage et un traitement précoces, l’Oms a déclaré cette pathologie comme une priorité de son Plan d’action contre les maladies non transmissibles. En ce mois d’octobre rose, l’Association camerounaise des femmes médecins (Acafem) sensibilise les femmes et mères sur la nécessité de faire vacciner leurs jeunes filles âgées de 9ans, la prévention étant meilleure que la guérison.
La cause est le faible niveau d’accès aux mesures de prévention et le dépistage tardif de la maladie, notamment à un stade avancé. Bien plus, l’accès au traitement (chimiothérapie, chirurgie, etc.) est également limité, ce qui accroit le nombre de décès, selon l’Oms.
Comme moyen de prévention, il est conseillé aux femmes de se faire vacciner contre les virus dont le Vph 16 et 18 sont les plus dangereux et sont responsables de plus 70% de cas de cancers. Les jeunes filles âgées de 9 à 14 ans sont les plus concernées par la vaccination, car elles ne sont pas encore sexuellement actives, précise le document. L’Oms note cependant que depuis l’homologation du vaccin en 2006, près de 270 millions de personnes dans le monde y ont eu accès.
Le Cameroun a introduit dans le Programme élargi de vaccination, le 23 septembre dernier 2020, la vaccination des petites filles âgées de 9 ans contre le cancer du col de l’utérus et les autres infections génitales. D’après le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, c’est le moyen essentiel de prévention de la survenue du cancer du col de l’utérus à l’âge adulte chez les jeunes filles, avant le début de l’activité sexuelle. Pour cette campagne de vaccination contre le Papillomavirus humain (Hpv) et autres infections génitales, la stratégie école a été adoptée par l’Etat camerounais. Objectif : faire vacciner, sans requérir l’avis des parents, 339 908 jeunes filles âgées de 09 ans sur toute l’étendue du territoire national.
Elvis Serge Nsaa
Dr. Raphaël Kamgang : « Une vie sexuelle précoce a été liée à un plus grand risque de cancer du col de utérus »
Selon le médecin généraliste, les femmes qui ont donné naissance plusieurs fois sont plus susceptibles de contracter le cancer du col de l’utérus et ce risque augmente avec le nombre d’accouchements.
Quelles sont les causes du cancer du col de l’utérus ?
Jusqu’à présent, on ne comprend pas bien ce qui cause les anomalies des cellules et leur prolifération anarchique. Le plus important facteur de risque est une infection du col utérin par le Papillomavirus humain (Hpv). Une infection par le Hpv est l’une des plus courantes infections transmises sexuellement (Ist). On estime que 75 % des personnes en âge de procréer seront touchées au moins 1 fois dans leur vie par une infection au Hpv. Une vie sexuelle précoce a été liée à un plus grand risque de cancer du col utérin. En outre, certains comportements sexuels peuvent accroître la probabilité d’une infection par le Hpv, et par conséquent le risque d’un cancer du col utérin. La survenue du cancer du col utérin a aussi été associée au tabagisme et à l’exposition à la fumée secondaire. La plupart des cancers du col utérin, ont tendance à toucher les femmes qui ont moins de 50 ans. L’utilisation prolongée de contraceptifs oraux augmente le risque de cancer du col utérin. Les femmes qui ont donné naissance plusieurs fois sont plus susceptibles de contracter le cancer du col utérin et ce risque augmente avec le nombre d’accouchements.
Quelles sont les symptômes et les complications ?
Des symptômes ne se manifestent pas toujours au cours des phases initiales du cancer du col utérin. Il importe beaucoup de noter qu’un autre état de santé peut déclencher des symptômes analogues à ceux d’un cancer du col utérin. Parmi les symptômes précoces, on peut citer la douleur durant les rapports sexuels ou un saignement après les rapports sexuels ; un écoulement vaginal séreux d’aspect clair ou nauséabond ; une quantité accrue de pertes blanches ; un saignement vaginal anormal ou un saignement entre les règles. À des stades plus avancés, des symptômes peuvent se produire à mesure que les tumeurs grossissent ou envahissent d’autres organes : une anémie (à l’origine d’un manque d’énergie et d’un essoufflement) ; de la constipation ; une douleur pelvienne ou dorsale ; un essoufflement ; des fuites d’urine (une incontinence) ou du sang dans l’urine (une hématurie) ; une perte de poids ; une perte de l’appétit ou anorexie ; du sang dans les selles.
Comment peut-on traiter le cancer du col de l’utérus ?
Les options thérapeutiques indiquées dans le cas d’un cancer du col utérin comportent la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Les décisions relatives au traitement sont prises par un oncologue (un médecin spécialiste du cancer) en fonction des facteurs ci-après : la taille de la tumeur, le stade du cancer, les facteurs personnels de la femme (par exemple son âge, son désir d’avoir des enfants), son état de santé général et tout traitement antérieur. L’oncologue discutera des options thérapeutiques les mieux adaptées à un cas donné.
Prévention
La vaccination est une autre façon de prévenir le cancer du col utérin. Depuis quelques années, le Gardasil, vaccin qui sera utilisé lors de cette campagne, permettra au Cameroun de lutter contre le virus du papillome humain qui cause le cancer du col de l’utérus. Comme les autres vaccins indiqués pour les enfants et les adolescents, le Gardasil sera introduit dans le programme élargi de vaccination systématique lien avec pour cible des filles de 9 ans inactives sexuellement. Afin de protéger efficacement et à vie les jeunes filles du cancer du col de l’utérus, une seconde dose du vaccin leur sera administrée après 6 mois. Deux mois avant cela, les responsables de la santé publique prévoient d’entamer une campagne pour sensibiliser les parents sur l’importance du vaccin. Pour exemple, le Gardasil a été utilisé avec succès dans le programme de vaccination des jeunes filles au Sénégal et au Zimbabwe.
Propos receuillis par ESN