Déjà insuffisants – seulement 120 -, leur exil vers l’Europe atteint des nombres records ces derniers jours.
Dans son bureau au quartier Bonapriso à Douala le mercredi 14 septembre, le Dr Paul Ndenbe, pédiatre depuis 37 ans, parcours avec une torche le tableau des médecins pédiatres du Cameroun. Ils sont 160 inscrits au tableau de l’ordre ; avec seulement cinq chirurgiens-pédiatres. Un tableau qui doit être actualisé parce que beaucoup ont quitté le pays ces deux dernières années. Devant le nom de chaque médecin est inscrit son lieu de service.
« Regardez. Presque tous nos meilleurs médecins sont partis. Ils ont trouvé du travail en Guyane, en France, en Suède, aux Antilles, à l’Organisation mondiale de la santé (Oms), etc. Tous nos meilleurs docteurs sont partis », regrette Dr Ndenbe. Il poursuit en indiquant qu’ils sont allés chercher fortune ailleurs à cause de la faible rémunération de la Fonction publique.
« Ces dernières années, le nombre de départs est impressionnant. Depuis 37 ans que j’exerce dans ce pays je n’ai jamais vu ça. Il faut au minimum 12 ans pour former un pédiatre. Au Cameroun, l’Etat leur propose un salaire compris entre 75 000 Fcfa et 120 000 Fcfa. Comment pensez-vous que les jeunes médecins vont faire pour nourrir leur famille ? Avoir un logement décent ? Ils sont obligés de fuir. Les pédiatres souffrent dans le silence dans ce pays », s’alarme le docteur.
La plupart des spécialistes qui ont déserté le pays exerçaient dans des hôpitaux publics. Un véritable paradoxe, puisque pour intégrer la Fonction publique camerounaise, il faut passer un concours lancé par l’Etat, un concours auquel sont soumis même les médecins formés en Europe. En raison des problèmes de trésorerie nationale, ces pédiatres sont mal rémunérés, avec des échelons d’avancement assez discriminatoires.
« Comment un pédiatre qui gagne à peine 150.000 Fcfa peut refuser une offre en Europe de 4 millions Fcfa par mois avec une police d’assurance ? Moi-même j’ai travaillé à Genève en Suisse avec des revenus pareils. Ailleurs on leur propose 10 fois ce qu’ils gagnent au Cameroun. Il y a de nombreux pédiatres qui ont fui le Cameroun pour aller travailler à Brazzaville au Congo. Ces gens payent 10 fois plus cher nos médecins. Ils finiront par tous partir », met en garde Dr Ndenbe.
Selon les données du ministère de la Santé publique, on enregistre 60 décès pour 1000 naissances depuis 2014. Un chiffre extrêmement élevé qui place le Cameroun parmi les pires pays en matière de mortalité infanto-juvénile au niveau mondial.
« On enregistre trop de décès d’enfants entre zéro et cinq ans. Pour un pays sérieux, ce chiffre est très élevé. Il faut stopper cela. Malheureusement, l’Etat ne fait aucun effort. Les fonds alloués à la santé sont insuffisants ; il y a un manque d’équipements. On assiste à des soins anarchiques avec tout le monde qui s’autoproclame médecin. La situation des enfants deûà 5 ans a besoin d’une très grande attention en ce moment», regrette le Dr Evelyn Mah.
Mortalité infanto-juvénile
Le départ massif des jeunes pédiatres est donc une grande perte pour le pays. Ceux qui décident même de rester sont obligés de travailler pour les hôpitaux privés, en multipliant des gardes dans d’autres centres pour augmenter leurs gains et arrondir leurs fins du mois.
« Il y a un énorme problème de relève et de suivi des plus jeunes. Parce qu’ils courent derrière l’argent, ils n’ont pas le temps d’assister aux réunions de l’Association des pédiatres. Moi j’ai 57 ans, mais lors de la réunion je suis le plus jeune dans la salle. C’est uniquement les anciens pédiatres qui viennent réfléchir sur les problèmes de la corporation. On aura un problème de relève dans ce pays », prédit le Dr Berthe Toukam.
La Société camerounaise de pédiatrie lance tout de même un cri d’alarme. Elle affirme que les indicateurs de santé de nos enfants ne sont pas meilleurs. Il faut trouver un moyen d’augmenter le ratio de 10 pédiatres formés par an pour essayer de résoudre le problème.
Source : « Docta magazine » et
AGA