Depuis le mois de février 2011, un groupe de Camerounais a lancé une plateforme indépendante de discussion démocratique (ou de conférences-débats) dénommée La Grande Palabre. Cette plateforme, indépendante de tout lobby, groupe de pression et de tout parti politique, est une initiative citoyenne qui a pour objet de promouvoir la culture politique au Cameroun et d’inviter, à discuter d’enjeux de société, des responsables politiques, d’organisations de la société civile, des chercheurs, des intellectuels et l’ensemble des citoyens.
C’est aussi le lieu de construction de la citoyenneté et de promotion des droits humains, de valeurs démocratiques et républicaines. Elle fonde ses actions sur le dialogue, mieux la discussion entre personnes de bonne compagnie qui adhèrent aux valeurs de tolérance/indulgence, d’humilité, d’honnêteté intellectuelle, de respect, de discussion/dialogue/échange, de réflexion et de communication. La Grande Palabre se propose ainsi de démocratiser le savoir pour éloigner le fanatisme et la manipulation des masses et, par conséquent, favoriser des alternatives et des alternances basées sur la compréhension et l’acceptation mutuelles. Elle a, en outre, pour objectif d’élargir le cercle de la réflexion, de la discussion et de la délibération aux oubliés des systèmes dominants, au monde d’en-bas, aux rien-du-tout. C’est la raison pour laquelle elle attend des contributions intellectuelles pertinentes, qui transcendent les partis pris et les sectarismes, mais non sans engagement, sans les alibis de la neutralité et de l’« objectivité ».
Cet espace de la parole et de la citoyenneté, pour reprendre la formule de la revue Politique africaine, est originellement constituée d’intellectuels et chercheurs associatifs indépendants (membre de la Fondation Paul Ango Ela et membre de Academia Africana), de Human Rights’s Initiatives (HRI) chargé de la défense et de la promotion des droits humains, de l’Addec (Association de défense des droits des étudiants du Cameroun), de Dynamique Citoyenne (réseau constitué d’organisations de la société civile camerounaise chargée du suivi indépendant des politiques publiques), de Harmattan Cameroun, des organes d’information tels que Germinal, Le Messager, Radio Cheikh Anta Diop (qui retransmet en direct les discussions de La Grande Palabre), des sites www.germinalnewspaper.com, www.actustime.com.
La Grande Palabre a pour point focal Jean-Bosco Talla (Journaliste/Chercheur indépendant, Directeur de la publication du journal Germinal, Directeur des sites internet www.germinalnewspaper.com, www.actustime.com. )
Les leaders des partis politiques, toutes les chapelles confondues, ou leurs représentants, les rien-du-tout (ceux du monde d’en-bas), les footballeurs, les musiciens et autres artistes, les ministres et autres directeurs généraux (ceux du monde d’en-haut), les ambassadeurs en poste à Yaoundé, les personnalités des autres pays de passage au Cameroun… ont été invités à prendre part aux discussions, soit comme panélistes, soit comme participants. Ils le seront encore au cours des prochaines sessions.
Au moins deux mois avant la tenue d’une session, un thème est proposé au comité d’organisation. Celui-ci choisit le thème de la session en tenant compte du contexte ou de l’actualité nationale et/ou internationale. Le comité, qui peut reformuler le thème proposé, rédige l’exposé des motifs et détermine les axes de la discussion. Un mois avant la tenue de la session, les panélistes sont contactés.
Les sessions se tiennent, en ce qui concerne Yaoundé, chaque dernier jeudi du mois. Cependant, la date et le jour de la tenue d’une session peuvent être modulés en fonction des contingences et/ou de la disponibilités de certains invités et du calendrier de certains événements importants. Les conférences-débats alternent avec Le Grand Oral, session au cours de laquelle pendant 2 ou 3h, un invité spécial est appelé à éclairer la lanterne de l’auditoire sur des questions brûlantes de l’actualité. Les débats du Grand Oral se déroulent d’une part, entre l’invité spécial et trois discutants, d’autre part, entre lui et l’ensemble des participants.
De février 2011 à nos jours, cinquante-neuf (59) sessions (conférences-débats, séminaire de formation, colloque, conférences-dédicaces) ont déjà été organisées sur l’ensemble du territoire national.
Ainsi, le 24 aout 2012, La Grande Palabre a été invitée par le collectif de 7 partis politiques (G7, Social Democratic Front (SDF), Union démocratique du Cameroun (UDC), Cameroon People’s Party (CPP), Alliance des forces progressistes (AFP), Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (PADDEC), la dynamique) à Bamenda pour animer la réflexion sur un nouveau Code électoral.
Au cours de l’année 2014, quatre sessions de La Grande Palabre ont été organisées à Bamenda, Bafoussam, Ebolowa et Douala.
En 2015, des sessions de discussion et de formation sur La construction de la démocratie à partir des problématiques locales ont été organisées à Bertoua, Buéa, Maroua, Garoua, Ngaoundéré et Ebolowa.
En 2018, des sessions de formation sur la problématique des mobilisations citoyennes ont été organisées à Yaoundé (avec les participants venant des régions du Centre, Sud et Est), à Garoua (avec les participants venant des régions de l’Adamaoua, de l’Extrême-Nord et du Nord), à Bafoussam (avec les participants venant des régions de l’Ouest et du Nord-Ouest) et à Douala (avec les participants venant des régions du Littoral et du Sud-Ouest.)
La Grande Palabre a déjà deux ouvrages à son actif.
- Repenser et reconstruire l’opposition camerounaise. Question sur la quête de sens et la subjectivation politique, Yaoundé, Terroirs, 2014, 530 pages. Cet ouvrage est le fruit d’un colloque organisé à Yaoundé en novembre 2012.
- Société civile et engagement politique. Enquêtes, analyses, enjeux et perspectives, Yaoundé, Samory, 2015, 406 pages.
Faut-il le souligner, entre 2014 (novembre) et 2021 (10 décembre), certains sous-préfets des arrondissements de Yaoundé 1, 2, et 5 interdisaient systématiquement les sessions de La Grande Palabre. Face à cette violation flagrante de leurs droits fondamentaux et de la loi sur les réunions et manifestations publiques, les responsables ne sont pas restés les bras croisés. Autrement dit, après avoir été victime des interdictions intempestives et récurrentes des réunions publiques relatives à La Grande Palabre, les initiateurs de cette plateforme avaient esté en justice, pour excès de pouvoir, les sous-préfets de Yaoundé 1 et 2. Après cinq (5) années de procédures éreintantes et ruineuses, les décisions de ces autorités administratives interdisant leurs activités avaient été annulées et l‛État du Cameroun condamné à réparer le préjudice à eux causé.
D’où la relance de leurs activités le 10 décembre 2021.avec comme invité spécial, James Mouangue Kobila, président de la Commission des droits de l’homme du Cameroun (CDHC) qui s’était fait représenter par le commissaire Aimé Parfait Bikoro.
Après onze années d’existence, malgré et en dépit des contingences et les écueils, nombreux, La Grande Palabre a déjà réuni 14 943 participants autour des problématiques ou thématiques diverses et variées. 115 personnalités (hommes et femmes politiques, étudiants, leaders des organisations de la société civile, humbles citoyens, hommes de l’Eglise, etc.) ont déjà pris part en tant que panélistes. 33 personnalités (hommes et femmes) ont déjà été modérateurs et/ou discutants pendant les sessions.
Contexte et justification de cette initiative
La démocratie présuppose discussions et/ou débats publics, argumentation et délibération, liberté d’expression et d’opinion, libre circulation des idées. Afin de favoriser la participation directe de tous au pouvoir, nous avons opté pour un espace de dialogue, de la citoyenneté et de consensus dénommé La Grande Palabre en puisant dans les traditions culturelles africaines. Il est admis, même par ses détracteurs, que le pouvoir africain authentique s’est toujours distingué par l’importance qu’il accorde à une large participation du plus grand nombre à la vie des institutions en charge de la destinée commune et, surtout, à la facilitation et à la prise en compte des points de vue et opinions de la communauté. Autrement dit, la principale caractéristique du pouvoir africain authentique est l’existence d’un dialogue permanent entre ceux qui prennent des décisions et ceux qui sont concernés par lesdites décisions, dans le cadre d’une institution sociale dénommée Palabre, souvent tourné en dérision du fait de l’ignorance de son principe et de son fonctionnement. L’importance de La Palabre dans les sociétés traditionnelles africaines n’est plus à démontrer. Mazel (J) rappelle à juste titre que « la discussion sous le baobab ou dans les cases à palabres peut paraître filandreuse ou interminable. Et pourtant, le principe est merveilleux. Lorsque le Conseil des anciens du village doit prendre une décision intéressant la collectivité, il doit obtenir l’unanimité, pas seulement la majorité. Les partisans d’une solution doivent être assez sûrs d’eux-mêmes, assez convaincants pour persuader jusqu’au dernier opposant, pour rallier le dernier récalcitrant. Ainsi, l’application de la décision ne souffrira pas de sabotage d’une minorité brimée. Cette façon de faire ménage les susceptibilités et respecte l’homme. »
C’est ce qui justifie notre option pour les discussions au lieu des débats. Pourquoi cette option ? Parce que dans un débat les convictions établies et opposées sont généralement défendues par leurs partisans respectifs qui, très souvent, ne s’accrochent qu’à leurs thèses, alors que dans la discussion, les interlocuteurs font connaître, éprouvent tous les arguments, pour ou contre concernant les différentes thèses en présence, et recherchent honnêtement, sans parti pris, la solution au problème controversé. D’où également cette option pour la Palabre qui « peut être réinterprétée sous son aspect de tolérance, de confrontation patiente des points de vue, de réduction souple des oppositions, dans le cadre d’une éthique des relations fondées sur la différence dans le respect réciproque » (Iba Der Thiam).
L’idée de La Grande Palabre part de trois constats simples:
(1) l’absence d’un espace où Camerounaises et Camerounais peuvent se retrouver pour échanger sur des sujets en rapport avec l’actualité nationale et/ou internationale, ou comme on dit l’absence d’un espace où ils peuvent se retrouver pour penser les banalités nationales et/ou internationales;
(2) le besoin d’une éducation et culture politiques partagées par les citoyens, les intellectuels, les leaders politiques et d’opinion ;
3) la nécessité d’avoir une opinion publique formée et informée.
Jean-Bosco Talla
Point focal de La Grande Palabre